Dans les organisations qui recherchent l‘innovation comme chez celles qui veulent maitriser leur développement de produits et leur profitabilité, le Management du Portefeuille de Projets (PPM) décide de la naissance, des priorités, des ajustements, de la clôture et parfois de la mort prématurée des projets !
Aussi, ce processus/concept du PPM et la discipline associée sont d'importance majeure pour les projets.
Alors, justement, qu'est-ce que la gestion de portefeuille de projets, quels en sont les objectifs, quel en est l'intérêt pour l'organisation ?
Le management de portefeuille projets traite l'ensemble des projets d'un point de vue global dans un but d'optimisation de son ensemble pour l'entreprise et/ou l'organisation. Bien sûr, cette sélection et arbitrages visent à travers les processus et la discipline du PPM à « faire les bons projets » quand le management de projet s'attache surtout à « bien faire le projet ».
Ceci étant posé comme base de départ de ce billet, intéressons-nous aux retours sur investissements (Return On Investment / ROI) d'une telle démarche et aux très nombreux challenges auxquels doit faire face une organisation pour « bien faire » du PPM et donc bien définir et implémenter son projet de mise en place du PPM.
Parmi les axes de gains les plus générateurs de bénéfices, je citerais spontanément :
- Se mettre en capacité de supporter au mieux la stratégie de l'entreprise
- Optimiser les moyens et se créer des marges de manœuvre
- Acquérir un meilleur contrôle en interne va créer de la confiance chez le client et accroître la satisfaction client
- Prendre des décisions mieux informées
- Accroître la satisfaction des équipes projet
Regardons-les tour à tour...
1. Se mettre en capacité de supporter au mieux la stratégie de l'entreprise
Pour que le PPM fonctionne, il faut que l'organisation et/ou l'entreprise aient une vision très claire de ses objectifs principaux. En effet, toute la priorisation du portefeuille de projets vient en support de cette vision stratégique et des objectifs opérationnels qui en découlent.
La vision va donner un cadre budgétaire aux possibilités financières de lancer les projets, à l'enveloppe financière dans laquelle le portefeuille devra être contraint. Et la vision va également donner les raisons de lancer les projets. Un projet qui ne viendrait pas en support d'une ou plusieurs stratégies opérationnelles découlant elles-mêmes de la vision stratégique, ne passera que très rarement le filtre des pré-sélections.
Le PPM va donc se servir de la vision de l'organisation comme d'un guide pour la construction des critères de sélection et d'évaluation des projets.
Par exemple, si la stratégie est très agressive en matière d'acquisition de nouveaux clients, de part de marché, les critères d'évaluation vont favoriser des projets d'innovation pour se différencier de la compétition, d'expansion géographique pour adresser de nouveaux marchés, d'acquisitions...
Alors que les projets se justifiant principalement par des optimisations de coûts, des gains de productivité, de réduction des stocks ou autres économies seront plutôt favorisés par les critères si le marché est déjà saturé, si la survie de l'entreprise dépend de sa capacité à maintenir son sacro-saint ebitda...
Petite parenthèse sur la définition de l'EBITDA.
Dans l'établissement des critères d'évaluation qui vont permettre de sélectionner quels projets lancer ou pas, le PPM est le garant du bon alignement du portefeuille d'investissements sur la vision stratégique de l'entreprise.
2. Optimiser les moyens et se créer des marges de manœuvre
Pour une meilleure utilisation des ressources, il faut déjà savoir ce qu'elles font !
Sur quels projets travaillent-elles ? Quels sont les bénéfices attendus de ces projets ? Quels sont les délais ? Quel est le reste à faire sur ces projets déjà lancés ? Combien commencent à produire les bénéfices promis ?
Le PPM permet d'avoir une vue d'ensemble des ressources mobilisées sur les projets. Cette visibilité n'est pas si simple à obtenir et surtout à maintenir. Et pourtant, elle est vitale si l'on veut pouvoir faire des choix bien informés et optimiser l'ensemble du portefeuille.
Par exemple, accepter de ralentir un projet pour en favoriser un autre qui va livrer plus tôt de la valeur ou bien davantage de valeur. Ou encore, considérer l'impact de changement ou arrêt d'une stratégie en regardant tous les projets qui la supportent directement et qui pourraient être éventuellement stoppés pour rediriger les ressources qu'ils mobilisent sur d'autres stratégies et projets.
Sans PPM, les guerres de chapelle et les décisions prises « aux décibels » font légion. Et ces décisions sont rarement optimales au global de l'entreprise.
Faire des choix, c'est souvent renoncer à certains projets de manière volontaire. Ces décisions difficiles peuvent être favorisées par la mise en en perspective neutre des options vues du PPM.
Un effet de bord souhaitable et souhaité du PPM est de réduire les coûts de renforts en urgence des projets, en particulier en main d'œuvre externe, comme un projet rencontrerait des difficultés à mobiliser les bonnes ressources internes ou serait en compétition avec d'autres projets pour des ressources critiques. La visibilité transverse sur le portefeuille permet de mieux anticiper les pics et vallées dans les besoins.
3. Acquérir un meilleur contrôle en interne va créer de la confiance chez le client et accroître sa satisfaction
En effet, l'amélioration de la qualité de suivi des projets à travers le PPM et la surveillance des gouvernances individuelles des projets va créer une meilleure prédictibilité des échéanciers de projets. Cette meilleure visibilité de l'avancement des projets et de l'activité couplée à une analyse des risques plus rigoureuse permet d'éviter les mauvaises surprises. Et les clients, le management et l'équipe projet n'aiment pas les surprises, surtout si elles sont mauvaises...
Cette sérénité acquise en interne au niveau du portefeuille de projets va se refléter dans la confiance des clients sur nos capacités à faire ce qui est promis.
Les clients comme le management ne sont pas dupes ni stupides. Ils savent combien il est difficile d'exécuter un projet dans les temps, avec la qualité et les fonctionnalités requises et sans dépasser les budgets alloués. La triple contrainte est toujours difficile à maîtriser et à respecter. Même si les approches Agile permettent une approche plus flexible, plus progressive et éliminant certains des défauts des projets prédictif « cycle en V », ils ne sont pas non plus la panacée.
Mais pouvoir dans la durée prouver que l'on est capable de faire ce que l'on dit et, a minima, afficher avec transparence les challenges et comment nous essayons de les adresser, va accroitre significativement la confiance de part et d'autre.
4. Prendre des décisions mieux informées
Comme mentionné plus haut, le PPM va insister sur la définition de critères d'évaluation des projets qui soient bien alignés sur la stratégie de l'entreprise. On prend donc la décision dès le départ de décider ce qui est important et critique de manière impartiale sans regarder un projet en particulier. Puis on calcule les mesures de manière la plus automatisée possible pour éviter les biais cognitifs et politiques. Bien sûr, un jeu de mesures ne fait pas une décision mais il y contribue en factualisant le débat. N'oublions pas que les conséquences de ces choix et décisions sur les projets à lancer ou pas est absolument crucial pour le futur de l'entreprise et/ou de l'organisation.
Le PPM est le garant du bon alignement du portefeuille d'investissements sur la vision stratégique de l'entreprise et vise ainsi à limiter les risques de prendre de mauvaises décisions et d'avoir par la suite à re-prioriser des projets voire en arrêter certains déjà engagés avant leur terme. Opération coûteuse financièrement et humainement sur le moral des équipes qui se donnent tous les jours sur leurs projets.
Donc, si vraiment il faut stopper un projet en cours, assurons-nous d'avoir des informations hyper fiables pour arrêter cette lourde décision.
5. Accroître la satisfaction des équipes projet
Justement en parlant de moral des équipes, la performance individuelle de chacun et du collectif sont accrues grâce au PPM car les efforts sont mieux focalisés sur un nombre plus restreint d'initiatives mieux maîtrisées.
Quand le manager de projet avec son sponsor peuvent clairement articuler comment le projet va contribuer à un ou plusieurs objectifs stratégiques de l'entité :
- Les parties prenantes sont plus réceptives
- Les équipes plus motivées
- Les fournisseurs de personnels et de ressources matérielles plus enclins à supporter le projet
- Les financiers plus rassurés
- Le management et la direction plus sereins
- ...
Tout ceci donne le sentiment justifié aux contributeurs d'apporter une réelle valeur à l'entreprise.
Mais, tout est-il plus rose avec un PPM ?
Il reste de nombreux risques à surveiller et à manager avec le plus d'anticipation possible :
- Il peut s'avérer difficile de faire accepter cette nouvelle gouvernance transverse « au-dessus des projets » qui encadre les décisions de lancement/arrêt de projet. Certains vont se sentir un peu dépossédés de leur pouvoir. D'autres vont devoir apprendre que donner de la voix ne suffit plus à faire passer tous ses caprices.
- Le portfolio va concentrer beaucoup de risques et l'atteinte incomplète ou partielle de certains objectifs du PPM peut causer une diminution de certains des bénéfices listés ci-dessus. Vaut-il mieux mettre tous ses œufs dans le même panier et bien surveiller ce panier ou bien avoir la sensation souvent erronée de mieux répartir les chances en lançant des projets sans bon alignement stratégique ?
- Si la mise en place prend trop de temps, les gens vont se décourager. Mais vite fait mal fait n'est pas non plus une alternative...
- L'outillage pourra aider mais ne saurait remplacer bon sens, réflexion et volonté. De beaux tableaux de bord peuvent donner une illusion de sécurité sans réel rapport avec la réalité.
- Si l'initiative est trop « top-down » la base, les chefs de projets et leurs équipes peuvent se sentir oubliés ou même ignorés.
Partez du bon pied et créez une dynamique PPM positive :
1. Simplicité
2. Automatisation
3. Agilité
- Concevez une organisation simple et efficace. Je préconise de commencer le portefeuille au niveau d'une entité opérationnelle, ou bien d'une Unité de Production ou Business Unit, ou d'une organisation de développement. Dotez-vous d'un unique PMO avec des instances de décision claires. Travaillez sur l'élaboration de critères simples, facilement compréhensibles de tout un chacun, facilement collectés (sans manipulations intermédiaires).
- Automatisez. Industrialisez les processus du PPM en déployant de façon pragmatique des solutions logicielles (principalement de gestion de flux, workflow : Gestion des demandes, du référentiel des projets, des budgets des projets, d'une méthode unifiée de management de projets...
- Animez le pilotage de façon Agile, évolutive et adaptée aux besoins de l'entreprise. Un pas à la fois, un jeu de critères limité (3 ou 4 au maximum)