Il est bien connu que gérer un projet demande de planifier, budgéter et arbitrer. Mais le chef de projet débutant ne doit pas oublier qu'il faut aussi savoir convaincre, motiver, vendre, partager, négocier...
Voici 10 erreurs que l'expérience apprend à déjouer:
1 - Négliger l'esprit d'équipe
En début de projet, il est tentant de se plonger dans l'action immédiatement, au lieu de prendre le temps de consolider l'équipe créée à cette occasion.
Créer un esprit d'équipe
Or, en début de vie d'un projet, l'équipe vit un stade qu'Alain Asquin, maître de conférences à l'IAE Lyon 3 et co-auteur de « Manager un projet pour la première fois », nomme le « forming ». Les membres de l'équipe se découvrent les uns les autres. » Il faut alors faire du team-building : les personne doivent s'estimer et reconnaître la légitimité de chacun à intégrer l'équipe », recommande-t-il.
De plus, la création d'une équipe soudée sera un vrai plus lorsque surviendront les premières difficultés. Sans ce travail, « la solidité de l'équipe sera remise en question à la première difficulté », estime Alain Fernandez, consultant-formateur et auteur du « Chef de projet efficace ».
Motiver sur la durée
Une fois que l'équipe est réellement formée, le chef de projet doit veiller à ce que les acteurs restent mobilisés dans la durée. C'est un point tout particulièrement sensible pour les projets de longue haleine. « Le chef de projet est aussi un communiquant. Il met à l'aise, incite aux échanges, sait prévenir les conflits et les résoudre le cas échéant », rappelle Alain Fernandez. Il ne faut pas oublier non plus de valoriser les efforts et les réussites de chacun. Tenir les membres de l'équipe informés et favoriser des rencontres transversales afin de donner à vos collaborateurs une vision d'ensemble du projet les valorisera et aura pour effet de les impliquer.
Travailler ensemble
Le travail de groupe est d'ailleurs un élément indispensable d'un projet réussi. « Il existe un travers assez courant qui consiste à penser avoir tout compris après les études préalables, à s'enfermer dans son bureau pour travailler, couper tout contact et ne se réveiller que pour livrer le produit supposé fini. Or, la définition du projet doit s'affiner en cours de réalisation et seuls les échanges réguliers permettent de faciliter la compréhension mutuelle », explique Alain Fernandez.
2 - Oublier de vendre son projet
Avant de débuter le projet, pendant et même lorsqu'il touche à sa fin, il ne faut cesser de le vendre. Pour prévenir les objections, les critiques et l'œuvre de tous ceux qui tenteront de freiner l'avancée du projet, vous ne devez pas oublier de communiquer. Pour cela, il ne faut pas hésiter à aller sur le terrain, à rencontrer en face-à-face toutes les personnes concernées, de près ou de loin, et à échanger régulièrement.
Communiquer auprès d'un large public
Dans un premier temps, « identifiez la manière dont le projet est perçu dans l'entreprise afin d'anticiper sur les travaux d'accompagnement du changement », conseille Alain Fernandez. Prenez en compte toutes les parties prenantes : décideurs, collaborateurs directs mais aussi votre équipe- surtout si vous prévoyez de lui laisser plus d'autonomie et de travail pendant la durée de votre affectation au projet - ainsi que les managers des membres du projet et tous les services auxquels vous allez demander de l'aide. Pensez également à sensibiliser très tôt vos futurs clients (internes ou externes) de l'utilité du produit de votre projet.
Trouver les bons arguments
Pour vendre son projet, il faut bien connaître les personnes à qui on s'adresse. Dans son ouvrage intitulé « Managez un projet avec succès », Lionel Bellanger conseille de tenir compte des intérêts et du profil psychologique de ses interlocuteurs, ainsi que de ce qu'ils pensent de vous. « Ce dernier facteur est primordial. En effet, c'est cette connaissance de vos interlocuteurs qui va vous permettre d'adapter votre discours à votre auditoire, de préparer des arguments plus convaincants et de les ordonner de la façon la plus efficace. »
3 - Rester cloîtré dans sa tour d'ivoire
Lorsqu'on débute comme chef de projet, il peut paraître délicat de manager une équipe de personnalités avec lesquelles on n'a pas de lien hiérarchique. « Apprendre à communiquer est un réflexe particulièrement difficile à acquérir pour un débutant », estime Alain Fernandez. Le travers à éviter à tout prix est celui qui consiste à se retrancher derrière ses prérogatives, en envoyant ses directives par email par exemple, pour éviter les confrontations en face-à-face.
Prendre le temps de s'imposer
Ainsi, ne cherchez pas à vous imposer tout de suite, en distribuant à chacun ses tâches d'emblée. Un accès d'autoritarisme risque au contraire de braquer les plus expérimentés qui vont se sentir dévalorisés. Au contraire, prenez le temps de faire votre place en prenant conseil auprès des plus avertis, en reconnaissant les compétences de chacun et en permettant aux différents collaborateurs de s'investir. Votre légitimité et votre autorité se développeront au fur et à mesure que vous pendrez des décisions, que vous ferez des choix et que vous réglerez les éventuels conflits.
Il est normal en gestion de projet de laisser les membres d'exprimer dans une première phase, avant de trancher et de fixer un cadre de travail commun, qui doit être appliqué par tous. Si vous débutez en tant que chef de projet, n'hésitez pas à faire durer la période de brainstorming. En revanche, vous devrez aussi réussir à y mettre un terme pour imposer vos décisions. Ce moment sera clé car vous devrez convaincre pour susciter l'adhésion de tous.
S'assurer le soutien de sa hiérarchie
Par ailleurs, vous devez vous assurer que chacun a une bonne connaissance de votre rôle. » Il est important que les rôles soient bien définis et que la hiérarchie d'origine de chacun n'empiète pas sur la bonne marche du projet », rappelle Alain Fernandez. Si ce n'est pas le cas, essayez d'obtenir de vos supérieurs qu'ils rappellent à tous les enjeux du projet et le rôle qui vous est dévolu, afin de mettre les choses au clair.
4 - Garder le nez dans son planning
« Une erreur classique consiste à se focaliser sur le reporting, mettre la pression sur les équipes et perdre de vue les enjeux. On tient à finir dans les délais sans exploser les budgets et on oublie la finalité du projet », raconte Alain Fernandez.
Avec ses équipes
Dans « Managez un projet avec succès », Lionel Bellenger conseille de jalonner le déroulement du projet de réunions régulières. Ces dernières vous permettront de faire remonter des informations qualitatives et d'anticiper les problèmes ou les risques. S'il est important de suivre ces indicateurs de près, cela n'est pas suffisant. « Tout ne peut être prévisible, rappelle Alain Fernandez. Le planning est un guide et doit être considéré comme tel. Certaines tâches mal évaluées au départ nécessiteront plus de temps, d'autres seront traitées plus rapidement. » Même si elles sont gourmandes en temps, ces réunions sont indispensables car elles permettent aussi de remobiliser les équipes et de les accompagner. En revanche, préférez des points réguliers à des réunions fleuves. Une durée de 3 heures est un maximum, estime Tannguy Le Dantec.
Vis-à-vis de sa hiérarchie
D'ailleurs, dans votre reporting, votre hiérarchie appréciera de trouver une vision générale de l'état d'avancement du projet. Pour cela, indiquez clairement le degré d'avancement sur le planning prévisionnel. Puis codifiez avec un indicateur simple les différents éléments suivants : la situation générale, l'avancée technique, le respect des coûts et des délais. D'autres catégories peuvent être ajoutées telles que le respect de certaines procédures, la qualité... La note accordée à chaque critère pourra ensuite être brièvement commentée. Ne rentrez pas dans le détail des chiffres et préférez faire remonter quelques éléments clé : risques de blocage, besoin financier supplémentaire...
5 - Sous-estimer les intérêts personnels
Se voir confier un projet important est généralement une marque de confiance ou un test qui peut être décisif pour votre évolution. C'est donc généralement un signe positif.
Réaliser les enjeux de carrière
Avoir conscience de ces enjeux est important pour maintenir sa motivation sur la durée et lorsque le projet traverse des passes difficiles « Pour réussir un projet complexe, il faut bien plus que la seule maîtrise des outils et des techniques. Pour dépasser les difficultés inhérentes et faire face aux imprévus, il vaut mieux disposer d'une motivation à toute épreuve. Si les objectifs de carrière et de réussite personnelle sont en phase avec les enjeux du projet, il trouvera alors l'énergie pour développer et communiquer la motivation nécessaire », analyse Alain Fernandez.
Identifier les intérêts des autres membres
Si des motivations toutes personnelles vous animent, il y a fort à parier que le phénomène se produise chez les autres collaborateurs au projet. Chacun voit midi à sa porte et poursuit ses propres intérêts. Cela ne devrait pas vous poser de problème dans la mesure où ces motivations mobilisent vos partenaires. Attention toutefois à ce qu'elles ne les amènent pas à jouer contre vous. Certains peuvent chercher à se mettre en avant auprès de directeurs par exemple. « Repérez rapidement les influenceurs qui ne cherchent qu'à tirer la couverture de leur côté. Pour cela, il est important d'identifier les intérêts personnels poursuivis, puis tenter de repérer un terrain d'entente afin que chacun y trouve son compte », conseille Alain Fernandez.
6 - Prendre sa feuille de route pour acquise
Avant de débuter sur un projet, il est important de bien saisir les enjeux pour l'entreprise ainsi que pour les principaux membres du comité de pilotage qui vous donne ses instructions. Renseignez-vous sur l'attention que l'on consacre à ce projet en haut lieu, sur la vision de différents directeurs concernés...
Participer à la définition du projet
Ensuite, insistez, tant que faire se peut, pour participer à la définition du projet. Vous éviterez ainsi de vous retrouvez avec un feuille de mission mal définie, un budget trop serré ou des délais irréalistes à tenir. Cette phase d'avant-projet est cruciale. Vous devez fixer avec les décideurs le socle de votre projet. A l'issue de ces discussions, vous devez pouvoir répondre avec assurance (au moins) à ces questions :
Quels seront les débouchés ?
Quels objectifs veut-on atteindre ?
Quelle est la meilleure solution pour cela ?
Quels moyens seront alloués ?
Est-ce bon pour l'entreprise ? Pourra-t-elle le supporter en termes d'investissement financier et humain ? Quel est le retour sur investissement attendu ?
Quels seront les rôles et responsabilités des différents services participants ?
Clarifier tous les points clés du projet
Prenez le temps de bien préciser les attendus et les moyens à votre disposition. « Le flou ne sera pas un allié car il faudra rendre des comptes au final », explique Alain Fernandez.
Dans un deuxième temps, une étude approfondie doit être menée pour préciser concrètement tous les détails qui découlent des choix stratégiques réalisés précédemment. Il en ressort un cahier des charges qui représente le contrat qui vous lie à votre hiérarchie. Dans tous les cas, demandez une lettre de mission formalisée et étudiez scrupuleusement ce document. Et si vous remarquez un point délicat, signalez-le avant d'entamer toute démarche, en proposant une alternative.
7 - Réunir une brochette d'experts
Le choix des membres de l'équipe projet est une phase délicate : on tentera parfois de vous imposer certaines personnes et les responsables ne seront pas toujours ravi de vous voir leur « emprunter » leurs meilleurs collaborateurs.
Prendre en compte l'esprit d'équipe
Qui plus est, vous devez réunir une équipe de choc, à la fois techniquement impeccable mais également capable de travailler en mode projet. Chercher à rassembler une « dream team » d'experts est tentant mais peut être risqué. « Si la compétence est bien sûr incontournable, elle n'est pas suffisante, rappelle Alain Fernandez. La capacité à travailler en équipe, c'est à dire ne pas être obsédé par la reconnaissance individuelle et savoir écouter les autres, critiques comprises, est toute aussi importante. » Il faut donc identifier des personnalités appréciant l'échange, le partage et la volonté d'aller de l'avant. « La structure en sera beaucoup plus robuste », estime Alain Asquin.
Repérez les connaissances pointues dont vous aurez absolument besoin et identifiez les personnes qui les détiennent. Si les experts en questions vous paraissent peu aptes à travailler en mode projet, prenez soin de les garder en périphérie du projet en le faisant intervenir de façon ponctuelle.
« Si la compétence est bien sûr incontournable, elle n'est pas suffisante. La capacité à travailler en équipe est toute aussi importante »
Faire preuve de professionnalisme
Pour autant, évitez de pratiquer le copinage, pour vous rassurer et être sûr de ne pas rencontrer d'opposition. D'abord, faire savoir que vous ne travaillez qu'avec vos amis n'est pas un signe de grand professionnalisme. De plus, il faut se méfier d'un groupe trop soudé ou qui manque d'esprit critique.
Pensez également à bien respecter la hiérarchie en vigueur afin de ne pas court-circuiter certains managers qui pourraient vous en tenir rigueur. Enfin, gardez à l'esprit que l'intérêt de l'entreprise prime sur celui de votre projet. Il ne s'agit pas de déstabiliser un service en voulant à tout prix s'accaparer les meilleurs éléments.
8 - Utiliser un tableau de bord mal conçu
Un outil de suivi de projet se choisit avec soin. Il doit vous servir de support et vous aider au quotidien.
Ne pas négliger le rôle de l'outil
« Un tableau de bord sert à piloter et pas seulement à constater, rappelle Alain Fernandez. Il est fort dommage de réduire le tableau de bord à un simple suivi des consommations comme c'est souvent le cas. »
Dans un premier temps, votre outil doit vous aider à effectuer un constat pour répondre à la question « où en sommes-nous ? ». Mais il doit également vous permettre d'identifier et de suivre les facteurs d'échecs et de succès grâce à une analyse des risques.
Construire de bons indicateurs
Commencez par lister les indicateurs dont vous aurez besoin. Pour cela, reprenez la liste des objectifs à remplir et déclinez plusieurs indicateurs pour chaque. Parfois, ils vous seront précisés dans la lettre de mission. N'hésitez pas à en ajouter si vous estimez qu'ils apportent une information pertinente et aident à la prise de décision. Si vous avez la liberté de choisir les indicateurs, faites valider votre choix par les personnes réceptrices de votre reporting.
Comment savoir que votre indicateur est bien choisi ? Sa lecture doit déclencher une réaction : bon, pas bon, alertant, inquiétant... Pensez également à inclure des indicateurs qualitatifs dans le lot. Troisième point : les indicateurs doivent vous permettre de savoir si le projet va dans le bon sens (respect des délais, du budget, des objectifs...) mais également vous permettre d'identifier les causes en cas de problèmes. Au total, limitez-vous à une dizaine pour que votre tableau de bord reste lisible.
9 - Se jeter dans l'action sans prendre de recul
Dans les premières phases du déroulement du projet, la réflexion doit prendre une place importante puis laisser place à l'action une fois que le cadrage a été réalisé et que les décisions ont été prises.
Le projet n'est pas gravé dans le marbre
Toutefois, un projet de longue durée est amené à évoluer au fil du temps. Les différents aléas rencontrés peuvent modifier le planning établi, obligeant à consacrer plus de temps à certaines tâches ou à revoir certaines décisions. « Le chef de projet doit savoir identifier les risques potentiels pour mieux les anticiper », rappelle Alain Fernandez. Pour cela, il est nécessaire de réussir à prendre du recul par rapport à l'enchaînement des événements. Vérifier le contexte dans lequel se place le projet peut permettre de déceler des évolutions nécessaires.
S'organiser des plages de réflexion
« Pour éviter de se laisser dévorer par les contingences du quotidien, il faut adopter une gestion rigoureuse du temps et s'imposer systématiquement des instants de repli et de réflexion un peu plus globale. S'éloigner régulièrement du contexte et s'accorder une rupture du rythme sont plutôt bénéfiques », conseille Alain Fernandez.
Il est possible de planifier ces moments, en s'accordant une heure par semaine ou une après-midi par mois, selon la taille du projet. Il est également nécessaire d'établir une relation de confiance avec les équipes à l'œuvre afin de faire remonter l'information efficacement et sans faux-semblants.
10 - Changer de cap au fil du temps
S'il convient de prendre de la hauteur par rapport à son projet, afin de repérer d'éventuels changements de priorité, ce travail ne doit pas amener à modifier les objectifs des uns et des autres à tort et à travers.
Garder le cap
En cas d'extrêmes nécessités, vous pourrez mettre en œuvre un changement de cap, mais celui-ci doit rester exceptionnel sans quoi votre crédibilité en sera affectée. A tergiverser, vous risquez de démobiliser les équipes qui ne savent plus vers quoi aller et qui préfèrent attendre que de chercher à remplir un objectif qui pourrait bien changer dans les semaines à venir.
Mobiliser les acteurs
En tant que chef de projet, vous aurez la tâche de communiquer auprès de l'ensemble des personnes participantes sur son évolution, y compris ceux qui n'interviennent qu'en fin de projet. Votre discours devra être informatif et mobilisant : gardez vos doutes pour vous tant qu'ils ne sont pas avérés. Soyez attentif au stress qui émane de certains collaborateurs : il est possible que le cumul de leurs responsabilités et de leur participation au projet leur impose un rythme élevé. Faites également attention aux personnes très investies, qui seront particulièrement demandeuses de reconnaissance.
Source : http://www.journaldunet.com/management/efficacite-personnelle/dossier/les-10-erreurs-du-chef-de-projet-debutant/les-10-erreurs-du-chef-de-projet-debutant.shtml